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Perlicules
22 mars 2013

La Parade : y a du monde aux Balkans

Réalisateur : Srdjan Dragojevic

Pays : Serbie

Année : 2012

La Parade

Bardé de trois prix reçus au festival de Berlin (dont le prix du public), il semble que ce film serbe ait fait en Bosnie plus d’entrées qu’Avatar, c’est dire si nous avons là une comédie populaire. Ayant lu avant la projection la critique du site Film de Culte qui nous apprend que ce film est « nauséabond, laid à faire saigner des yeux, hystériquement vaudeville, ringard et beauf ». Présenté dans ces termes, je me suis dit qu’on tenait là un chef-d’œuvre. En fait, on en est loin mais on a tout de même à faire à une comédie sympathique et colorée, pleine de cet entrain qui fait souvent le charme du cinéma serbe (comme le savent, par exemple, les amateurs du grand Kusturica). Ce qui est amusant lorsqu’on lit les critiques, c’est qu’il semble y avoir un gros malentendu : nous avons là un film léger mais comprenant un arrière-plan militant et qui se donne pour objectif de prôner la tolérance à l’égard des homosexuels dans une région de l’Europe où elle est loin d’être acquise. Or, à lire les critiques françaises, La Parade ne serait rien moins qu’un film homophobe ! L’éternel décalage culturel entre l’est et l’ouest de l’Europe…

Nous sommes en 2001 lors de la préparation de la première Gay Pride de Belgrade. Les organisateurs, peu nombreux, craignent les réactions de la population et cherchent désespérément à constituer un service d’ordre pour protéger la parade, la police refusant d’assumer cette tâche. Ils se tournent alors vers Lemon, ancien soldat et gangster, qui n’a aucune envie de les aider mais sur qui Pearl, sa fiancée capricieuse, exerce un chantage sentimental : s’il veut l’épouser, il doit prendre en charge la sécurité du défilé. Il accepte à contrecœur et s’en va parcourir les Balkans pour demander le renfort de ses amis de l’époque, tous des vieux loups de guerre issus de tous les camps, du Croate au musulman bosniaque en passant par l’Albanais du Kosovo. D’abord très réticents, ils accepteront par amitié pour Lemon et finiront par faire leur job avec zèle, protégeant les manifestants contre un assaut de skinheads.

Tous les groupes humains présentés le sont sous l’angle de la caricature la plus outrée : les homosexuels sont des grandes folles circulant en automobile rose, toujours au bord des larmes et incapables de boire de l’alcool correctement, les anciens soldats sont des barbouzes patibulaires et survirilisés fétichisant les armes à feu et ne jurant que par la camaraderie des champs de bataille, et les skinheads sont des petites frappes forcément nazies et décérébrées. Dragojevic ne fait certes pas dans la finesse mais tout le sel de sa comédie réside précisément dans l’outrance de ces archétypes volontairement grotesques. Nier la charge comique de ces caractères, c’est faire preuve à mon sens d’une pudibonderie déplacée – et qui ne m’étonne guère sous la plume de certains de nos critiques à l’ouest du continent. J’émettrais plutôt quant à moi la critique inverse, la fin du film pêchant un peu par excès de moralisme, l’humour battant finalement en retraite sous le poids des bonnes intentions, comme lors de ce prêche solennel d’un militant gay entouré d’homophobes fanatisés et armés jusqu’aux dents avec la Sarabande de Haendel en fond musical…

Une comédie divertissante toutefois, qui fait la part belle à un jeu d’acteurs très expressif et nous présente, surtout du côté des mercenaires, une galerie de personnages attachants, à la fois rustres et dévoués les uns aux autres malgré leurs différences et leurs oppositions. On se prend alors à penser qu’étant donné le passé tragique de cette région d’Europe, certaines réconciliations sont peut-être plus urgentes que d’autres.

 

Bande-annonce

 

 

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