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Perlicules
1 novembre 2018

Der Bunker : un autre chancelier dans un autre bunker

Réalisateur : Nikias Chryssos

Pays : Allemagne

Année : 2015

Der Bunker

J’avais relevé, il y a quelques années, le talent de Pit Bukovsky qui jouait alors le rôle d’un samourail-loup-garou-travesti dans le film Der Samuraï de Till Kleinert. Nous le retrouvons ici dans un rôle tout à fait différent, bien moins excentrique, celui d’un étudiant en quête d’une retraite au calme pour finaliser sa thèse de physique. Il pense avoir trouvé le lieu idéal : une chambre d’hôte avec vue sur la campagne dans la maison d’une famille retirée loin de la ville. Or, la maison en question est un bunker perdu au milieu d’un paysage enneigé et la famille est tout ce qu’il y a de plus dysfonctionnelle (pour employer un terme à la mode). Comme il n’a pas suffisamment d’argent pour payer le loyer de sa chambre – qui ressemble à vrai dire à un cachot ou à un abri antiatomique plus qu’à une chambre – le maître de maison lui propose de compenser en devenant l’instituteur de son fils, Klaus, un petit demeuré à l’âge incertain (il dit avoir huit ans mais il est joué par un adulte de petite taille au physique ingrat), scolarisé à domicile dans une autre pièce sans fenêtre mais ornée d’un tableau de Mendeleev et d’une baguette de bambou pour les châtiments corporels. Ses parents ont la folle ambition de le former pour devenir président (chancelier de l’Allemagne sans doute), ce qui nécessite une instruction d’élite, à commencer par l’apprentissage de toutes les capitales du monde, compétence que le père élève à la hauteur d’un point d’honneur.

L’étudiant – dont on ne connaît pas le prénom, tout le monde l’appelle « l’étudiant » durant tout le film – qui ne parvient pas à avancer dans ses recherches, accepte l’arrangement et tente, à défaut de faire de Klaus le génie que ses parents attendent, de sauver les apparences et de lui donner un vernis de culture générale, quitte à recourir à des subterfuges. Devant les premiers bons résultats de son fils, sa mère s’offre à l’étudiant dans son cachot et, comme par miracle, l’inspiration pour ses recherches lui revient. Ce qui ne l’empêche pas de prendre toute la mesure de la folie de cette famille lorsqu’il découvre qu’on enferme Klaus dehors dans le froid lorsqu’il n’a pas bien étudié, que la mère l’allaite encore malgré son âge et qu’elle se fait conseiller la nuit par un fantôme du nom de Heinrich qui fait la pluie et le beau temps dans le bunker. Et que dire de ces soirées blagues durant lesquelles le père, grimé en clown, lit dans un livre des plaisanteries plus plates les unes que les autres auxquelles tout le monde s’esclaffe ? L’étudiant en vient à penser qu’il serait peut-être bien inspiré de quitter cet endroit et d’emmener Klaus dans un environnement plus sain. Il ne réussira… qu’à moitié – je n’en dirai pas davantage afin de préserver l’effet de surprise.

Une étrangeté, un malaise traversent le film de bout en bout, prenant un tour tantôt comique et tantôt pathétique, voire inquiétant. Cette cuisine souterraine éclairée au néon où on passe de la grande musique classique (Chopin, Mozart) pendant les repas et où l’étudiant mange, scruté par le père qui tient un décompte précis de sa consommation, n’a rien d’accueillante. Pas plus que cette décoration d’intérieur surannée, ces tapisseries de mauvais goût, ces rideaux brodés tendus contre les murs qui paraissent absurdes en l’absence de fenêtres, l’atroce pyjama de Klaus, ces longues chaussettes qui lui enserrent les mollets, ce buste de Beethoven qu’on lui offre à son anniversaire ou cette lumière rouge qui nimbe les dernières scènes du film et qui n’est pas sans rappeler certaines scènes de Poltergeist. Le travail sur les décors, il faut le relever, est un des points forts du film, avec le jeu des personnages et notamment du père. De l’ensemble se dégage une sensation de névrose et d’étouffement que vient heureusement contrebalancer un humour noir omniprésent. Ayant souvent été déçu ces dernières années par le cinéma allemand contemporain, je ne peux que me réjouir lorsque j’ai l’occasion de découvrir une œuvre qui sort du lot et qui nous offre enfin quelque chose d’original.

 

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