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Perlicules
1 octobre 2016

Hinter den sieben Gleisen : les Pieds Nickelés helvètes

Réalisateur : Kurt Früh

Pays : Suisse

Année : 1959

Hinter den Siegen Gleisen

« Nous sommes les lys des champs qui ne sèment ni ne récoltent » déclame Karl, alias Barbarossa, clochard de son état et qui, avec ses compères Dürst et Clown, a fait du refus de travailler un impératif éthique. Le trio, sorte de version suisse alémanique des Pieds Nickelés de Louis Forton, occupe le rôle central de deux films de Kurt Früh, Hinter den sieben Gleisen et Der Teufel hat gut lachen, sortis respectivement en 1959 et 1960. Si le second film fait appel au fantastique et nous emmène du côté du Tessin, le premier se situe aux alentours de Zürich et notamment dans un hangar à proximité des voies ferrées où vivent les trois héros. Entrecoupé de chansons, influencé par la première carrière du réalisateur qui, avant de faire du cinéma, écrivait des sketches pour les cabarets, ce film amusant à destination d’un public familial rappelle la légèreté de ce que pouvait être une certaine filmographie suisse de cette période.

Si un narrateur accompagne tout le film en commentant en vers certains événements, c’est avant tout un orchestre qui, dès l’ouverture, se propose de raconter les choses en musique, depuis l’instrument étrange imitant le bruit de la locomotive jusqu’au joueur de triangle, qui se contentera de donner la note finale avant de se précipiter à un mariage où il est attendu. Comme dans les films de Sacha Guitry, on donne au générique ses lettres de noblesse en nommant à haute voix les noms des divers artisans et techniciens qui l’ont rendu possible, ne se contentant pas de les faire apparaître à l’écrit ; mais là où Guitry les dit, Früh les chante, faisant rimer les uns avec les autres les noms de ses collaborateurs tandis que l’écran présente la course d’une vieille locomotive. Ensuite de quoi l’action se met en place.

Inge, une jeune Allemande venue travailler comme servante chez un riche industriel dans une maison bourgeoise de Zürich, a fui ses maîtres après avoir été mise enceinte par le fils de la famille. Honteuse et refusant d’aller à l’hôpital de peur d’être livrée à la police, elle se cache dans un hangar pour mettre au monde son enfant. Mais, un peu comme lorsque Blanche-Neige s’endort dans la maison des sept nains, elle ignore que ce hangar est habité par les trois clochards cités plus haut. Lesquels, comme on le devine, vont se laisser amadouer après quelques réticences et vont devenir pendant un temps des pères de substitution modèle, acceptant même, pour subvenir aux besoins du bébé, de travailler, en dépit de tout le mal qu’ils pensent de cette activité dégradante. Barbarossa, le plus bourru des trois, est celui qui résiste le plus. Lorsqu’il voit son ami Dürst monter en hiérarchie dans le petit étal de bananes d’un marchand italien où il a été engagé, il s’écrie : « Il est devenu chef magasinier, il est tombé bien bas ! » Derrière cette rudesse se cache pourtant le plus sensible des trois vagabonds puisqu’il se laisse aller, sans espoir de se voir aimé en retour, à des sentiments de plus en plus tendres envers leur jeune protégée. Autour d’eux évoluent plusieurs figures secondaires très typées : Mme Herzog, l’ouvrière qui vient accoucher Inge, le marchand de bananes italien, colérique au grand cœur qui ne cesse de se faire voler ses fruits, un policier soupçonneux, un fantôme…

Survient alors un autre personnage, héros plus classique : le mécanicien Hartmann, le beau conducteur de locomotives. Il découvre le secret du hangar et, pris de pitié lui aussi, il tente de faire prendre ses responsabilités au fils de la famille Erberhard, le jeune bourgeois indélicat qui est le père de l’enfant et qui ne le sait même pas. Son plan fonctionne tellement bien que le jeune homme décide d’assumer son nouveau rôle et d’épouser Inge en dépit de la réprobation de ses parents pour qui une telle mésalliance est inconcevable. Au grand dam de Barbarossa et d’Hartmann, lui aussi tombé sous le charme de la belle Allemande. Arrive alors une première fin du film, qui est en fait un leurre. Les musiciens de l’orchestre se concertent et tombent d’accord pour dire que cette conclusion n’est pas satisfaisante. Aux sceptiques qui ne voient pas d’autre alternative à moins d’un miracle, un des musiciens objecte : « Et pourquoi n’y aurait-il pas de miracle dans un film suisse ? » Et de fait, les choses ne se passent pas comme prévu, les relations avec la famille Eberhard sont exécrables, le couple finit par exploser à l’issue d’une scène du plus haut comique où Clown, déguisé en grand bourgeois, se fait inviter à la table de l’industriel et a toutes les peines à tenir son rôle après quelques verres de cognac. Une des dernières scènes nous montre Inge portant son enfant, marchant au bord des voies et apostrophant la locomotive qui s’arrête. Elle dit alors à Hartmann : « J’ai parlé à mon fils. Il a changé d’idée, à présent il veut devenir conducteur de locomotive sur la ligne du Gothard. » Manière touchante de redistribuer les cartes et de donner une conclusion heureuse à ce film.

 

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