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Perlicules
1 avril 2016

Longing for the Rain : avantages et inconvénients d’avoir un amant fantôme

Réalisateur : Lina Yang

Pays : Chine

Année : 2014

Longing for the Rain

Le fantastique et l’érotisme constituent un tandem qui s’est vite imposé assez naturellement dans l’histoire du cinéma, et cette rencontre a souvent profité d’une certaine unité esthétique fondée sur un goût commun pour l’artifice dans les atmosphères et la mise en scène. Déployer ce tandem dans un cadre réaliste permet donc d’amener du nouveau et c’est le cas avec ce film qui nous emmène bien loin des ambiances gothiques, dans le quotidien contemporain d’une famille chinoise de la classe moyenne. Un conte sur le thème de l’infidélité et de la culpabilité dans un environnement urbain moderne encore empreint de croyances ancestrales autour de la magie et des fantômes.

Fang Lei est une jeune femme au foyer qui vit avec sa fille Yifan et son mari. Ce dernier, brave homme et travailleur, ne répond toutefois pas toujours à ses attentes en matière affective, les scènes au lit nous le montrant d’ailleurs presque invariablement en train de dormir ou de jouer à un jeu vidéo sur sa tablette. Seule à la maison durant la journée, il arrive que Fang Lei se masturbe devant un film pornographique ou joue avec le godemiché que lui a offert sa meilleure amie, une célibataire qui joue les libertines mais chez qui on sent un profonde insatisfaction. Ses amusements solitaires prennent un tour tout à fait différent lorsqu’elle se met à rêver d’un amant qui vient régulièrement la visiter de façon assez impérieuse et qui la fascine et l’effraie à la fois. Fascination et effroi qui prennent tout leur sens lorsqu’elle en vient à réaliser qu’il ne s’agit pas d’un rêve mais qu’il y a bien un homme qui vient la hanter – et hanter est le mot adéquat puisque tout laisse à penser qu’il s’agit d’un esprit. Son amie, à qui elle s’est confiée, l’amène chez un prêtre (ressortissant d’une religion que je n’ai pas réussi à identifier) qui diagnostique une présence démoniaque désireuse de lui voler son âme et l’aide, au moyen d’un rituel et d’une amulette, à s’en débarrasser. L’exorcisme fonctionne parfaitement, le démon disparaît mais au bout d’un certain temps, Fang Lei se met à le regretter et s’aperçoit qu’elle s’ennuie de lui comme elle s’ennuierait d’un amant absent. Son amie l’amène chez une sorcière taoïste, qui lui conseille de détruire l’amulette. Aussitôt dit aussitôt fait, et voilà le démon revenu. Sa présence devient alors de plus en plus concrète et son étreinte également. Il ne lui vole pas son âme mais la pousse, en utilisant son pouvoir de séduction, à commettre une faute grave qui mettra sa fille en danger et lui vaudra la haine de son mari – je ne peux en dire plus sans déflorer cet élément central du récit, qu’on sache seulement qu’il est question d’un étang et d’une partie de jambes en l’air dans les feuilles mortes. Abandonnée, honteuse et désespérée, Fang Lei se confie à nouveau à son amie qui ne peut s’empêcher cette fois de la réprimander : « Tu ne peux pas prendre un amant comme tout le monde ? Tu es incapable de gérer un amant fantôme ! » Elle l’emmène alors suivre un séminaire dans un monastère bouddhiste à l’issue duquel, sans qu’on sache très bien comment, elle trouvera une sorte de libération.

En choisissant une approche réaliste et une image très brute, la réalisatrice, loin de désérotiser son propos ni de le débarrasser de son étrangeté, concentre au contraire tous ses effets visuels dans les seules scènes où apparaît l’amant – amant dont on préfère d’ailleurs montrer les effets que la présence en soi : gros plans sur diverses parties du corps de Fang Lei, lumières plus diffuses, montage syncopé. On se focalise sur des détails pour ne pas avoir à montrer l’ensemble : la pudeur, les zones d’ombre, sont des constituants essentiels à la fois de l’érotisme et du fantastique. Une de ces scènes montre l’héroïne tout habillée sous la douche, synthétisant bien cette rencontre entre l’esthétique érotique (le corps féminin non dévoilé mais laissant tout deviner très précisément) et l’impression de bizarre né du caractère incongru de la situation : voyons-nous une femme se caresser sous la douche en rêvant à un amant imaginaire ou une femme possédée par un démon invisible ?

La mystique est omniprésente dans la vie de cette famille pékinoise moderne, révélant un cocktail un peu déroutant pour le spectateur occidental, celui d’un peuple à la fois profondément matérialiste mais chez qui les diverses superstitions puisées à diverses sources de son patrimoine servent de religion. Loin d’être rattachée à un culte particulier, Fang Lei, comme tant de ses compatriotes, passe indifféremment du bouddhisme au taoïsme en fonction des besoins, accordant sa confiance à la chapelle qui saura le mieux répondre à ses problèmes. Sa tante, qui fait une apparition dans la première partie de l’histoire, semble par contre être une bouddhiste pratiquante puisqu’elle se rend spécialement à Pékin pour venir prier dans un temple. Le film est ainsi jalonné, sur ce plan, en trois étapes marquées par une religion : un prêtre d’abord, puis une sorcière taoïste, puis enfin un monastère bouddhiste dans les chambres duquel s’agitent des convulsionnaires. Le dernier plan du film, qui se passe de nuit, est d’ailleurs le plus énigmatique : Fang Lei, enfin libérée de son démon, regarde le jardin du monastère depuis une fenêtre, elle y croise le regard étrange d’un jeune moine qui ne dit rien et la fixe. Un échange de regards qui entraine chez elle, on le comprend à quelques indices dans sa posture et sa gestuelle, une rechute… masturbatoire. Le spectateur en tirera les déductions qu’il veut bien !

 

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