Réalisateur : Edwin Carewe

Pays : USA

Année : 1928

Retrouvé récemment à la cinémathèque de Prague après une longue disparition, ce film est une adaptation d’un roman de Helen Hunt Jackson, déjà précédemment adapté sous forme de court-métrage en 1910 par David Griffith. Pourtant, malgré l’indéniable talent de ce dernier (ruez-vous, si ce n’est déjà fait, sur Birth of a Nation ou Orphans of the Storm !), la version de Carewe s’avère bien meilleure. Le format long s’y prête peut-être davantage, certes, mais la véritable différence n’est pas là. Indépendamment du talent du cinéaste, Ramona repose sur un atout essentiel : le jeu et le physique de son actrice principale, la sublime Dolores del Rio. Elle est à elle-même le vrai tableau dont le film n’est que l’encadrement – elle est la perle et le film est l’écrin. Alors bien sûr, une actrice sauve rarement un film si celui-ci n’a pas de qualités propres et les réalisations qui misent tout sur le seul talent du rôle-titre donnent rarement de résultats convaincants. Nous ne sommes pas ici dans ce cas de figure : Ramona est un long métrage qui vaut pour lui-même, mais il n’empêche qu’il est tout entier au service de la belle Dolores et que le réalisateur ne pouvait nous l’offrir sur un plus beau plateau.

Nous sommes dans la Californie de la fin du XIXème siècle. Non loin des rivières où écument les prospecteurs d’or vivent les Moreno, une riche famille mexicaine qui possède une hacienda, des terres et des troupeaux de moutons. A sa tête une veuve sévère qui vit avec son fils Don Felipe, qu’elle chérit, et Ramona, une métisse adoptée, envers qui elle se montre plus distante. Le beau Felipe, aux airs de hidalgo avec sa taille fine et sa mandoline, aime d’amour sa sœur adoptive mais elle ne peut se résoudre à l’aimer autrement que comme son frère. Pour parer à toute éventualité, la Señora Moreno l’envoie trois ans dans un couvent. A son retour, elle s’éprend d’Alejandro, un indien qui travaille pour la famille comme capitaine des bergers et qui l’a séduite par sa belle voix lors d’un chant adressé au soleil levant. Sa mère adoptive s’oppose à cette union et révèle à Ramona que sa vraie mère était amérindienne. La jeune fille fait ses adieux à son frère et fuit la maison avec son amant, le couple allant s’installer près d’un canyon, construisant un foyer et fondant une famille. Mais cette idylle est anéantie par trois drames : leur petite fille meurt de maladie, le docteur n’ayant pas su rendre à son chevet, le village des indiens est attaqué par des colons qui le brûlent et en massacrent les habitants, et Alejandro est abattu par un cavalier pour une histoire de cheval volé. Ramona, rendue folle de douleur, erre dans la nature avant d’être recueillie par une famille d’indiens. Don Felipe, parti à sa recherche depuis le décès de sa mère, la retrouve enfin mais elle a perdu la mémoire et est plongée dans le mutisme. Il la fait revenir à elle au moyen de sa musique, leur rappelant les belles heures de leur jeunesse.

Ramona charme dès sa première apparition, souriante, éclatante de gaieté, pimpante avec ses longues tresses noires qui rappellent ses origines (elle changera d’ailleurs de coiffure, très symboliquement, en sortant du couvent). Elle enchante toute la maison de sa beauté et de sa bonne humeur, depuis son frère, qui adore jouer de la musique pour elle, jusqu’à la grosse servante de la maison, à la figure affable et grimaçante. Ses scènes de danse dans le jardin sont ravissantes et il n’y a guère que la Señora Moreno, dévote aux traits austères toujours vêtue de noir, pour s’offusquer de cette joie de vivre. Une joie qui ne dure hélas qu’un temps puisque la seconde partie du film est marquée par la mort, la violence et le deuil. Des corbeaux tambourinant à la fenêtre de la chaumière annoncent le trépas de l’enfant, et Ramona se prend la tête dans les mains en entendant le bruit de la scie d’Alejandro préparant le petit cercueil. Une scène particulièrement émouvante nous montre Don Felipe, soupirant éconduit mais résigné à son sort, jouer de sa mandoline dans la cour intérieure de l’hacienda pour distraire sa mère, permettant ainsi à sa sœur de s’enfuir sans attirer l’attention. On se laisse volontiers prendre à ce mélodrame touchant et il est difficile de rester insensible aux grands yeux passionnés de Dolores del Rio et à sa gestuelle gracieuse mimant aussi bien l’insouciance du jeu que l’abandon amoureux ou le désespoir.

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Ramona : romance amérindienne

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