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Perlicules
2 décembre 2013

Mary & Johnny : la nuit ne porte pas toujours conseil

Réalisateur : Samuel Schwarz

Pays : Suisse

Année : 2011

Mary und Johnny

Un écran noir, pendant plusieurs minutes, comme seul théâtre d’un monologue où il est question de souvenirs, de prison, de l’idée de faire un film. Puis, peu à peu, donnant l’illusion que nos yeux s’habituent à l’obscurité et qu’ils finissent par y déceler quelque chose, une silhouette se dessine, celle des barreaux d’une cellule. Des lumières finissent par filtrer de l’extérieur et nous montrent le narrateur, assis sur son lit avec une guitare à la main. Il rêve de faire un film « comme chez les Danois », explique le prisonnier, se référant vraisemblablement au Dogme 95 de Lars Von Trier et imaginant son récit se dérouler caméra à l’épaule. Ainsi commence Mary & Johnny, prix bernois du cinéma 2012, librement adaptée de la pièce Casimir et Caroline de Ödon von Hervath.

Mais si la pièce avait pour lieu l’Oktoberfest 1929 de Munich, le film opte pour une transposition, celle de la Fête de Zürich contemporaine. Le prisonnier poursuit sa narration en voix-off – nous présentant l’endroit, « un bled riche et sans âme au pied des Alpes » dans le ciel duquel se déploie le spectacle aérien de la patrouille suisse – non pas comme on raconte une histoire mais comme on écrit un scénario, ajoutant çà et là des remarques sur le casting, le jeu, la mise en scène, comme si, du fond de sa cellule, il était le maître d’œuvre de ce film qui n’est que la reconstitution des événements qui l’ont amené là où il est. Mise en abîme. Pourtant ce n’est pas lui le héros, c’est son ami Johnny, un jeune vendeur en électronique qui s’est fait licencier le jour même et qui, en ce jour de match de la coupe du monde (la Suisse affronte la Hollande), emmène, la mort dans l’âme, sa petite amie Mary à la fête foraine. Mauvaise humeur, dissension sur les choix à faire, dispute, rupture. Mary s’en va de son côté, baratinée par un séducteur aux méthodes plus que douteuses, et les deux jeunes gens sont rabattus à leur tour par Sepp, un magnat du football qui leur en met plein la vue dans sa tente privée dans l’espoir de s’accaparer la jeune fille pour la nuit. Johnny, lui, rencontre deux de ses amis, le voyou Mischä (qui n’est autre que le narrateur), dealer, pickpocket et bagarreur, et sa petite amie Fränzi, qui présente la météo à la télévision et compense comme elle peut sa position dans les médias en s’encanaillant avec les mauvais garçons.

Schwarz prend plaisir à construire son film avec un certain sens du crescendo, sa manière de filmer évoluant sensiblement au fur et à mesure que certains de ses personnages (Mary notamment) sombrent dans l’ivresse : caméra dodelinante, titubations, teintes outrées sous les éclairages électriques, ainsi que des plans qui n’ont plus rien de réaliste mais relèvent du pur artifice, comme celui des deux amants zigzaguant dans une lumière bleue sur la piste déserte des autos tamponneuses – rupture nette avec les scènes de foule omniprésentes par ailleurs. D’autres procédés nous apparaissent plus anecdotiques, comme ces visages floutés qui apparaissent çà et là. Choix délibéré ou nécessité de conserver l’anonymat de figurants qui n’en étaient peut-être pas, le film ayant vraisemblablement été tourné lors des vraies fêtes de Zurich ? Si on baigne longtemps dans le simple pathétique sans grande conséquence – « Rien ne grise plus que la bêtise des gens » nous explique le narrateur – la fin, elle, glace par la rupture qu’elle amène, nous renvoyant au tragique, l’aube qui se lève sur la foire s’avérant bien plus sombre que la nuit qui s’est écoulée. Le voyou dans sa prison, qui a repris sa guitare, se trouve au final n’être pas le personnage le plus sordide.

 

Voir la bande annonce

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