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Perlicules
9 juin 2013

Jonas qui aura 25 ans en l’An 2000 : espérances croisées

Réalisateur : Alain Tanner

Pays : Suisse

Année : 1976

Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000

Nous sommes à Genève huit ans après 1968 et nous croisons huit personnages qui finiront au fil du récit par se rencontrer et former une bande d’amis. Il y a d’abord Mathieu (Rufus), en difficulté financière, qui va trouver un poste de maraicher dans une ferme de la campagne proche et pourra emménager sur place avec sa femme Mathilde (Myriam Boyer) et ses enfants. Ses employeurs sont un couple d’agriculteurs, Marcel (Roger Jendly) et Marguerite (Dominique Labourier). A cette dernière qui lui demande, au moment de l’engager, ce qu’il fait comme métier, Mathieu répond simplement : « main d’œuvre ». Marguerite trompe Marcel mais ce dernier ferme les yeux et se plonge dans sa passion pour la zoologie, intarissable dès qu’il s’agit de parler de la vie des animaux, à commencer par son préféré : la baleine. Et puis il y a Max (Jean-Luc Bideau), un journaliste raté et idéaliste, militant vaguement marxiste, qui s’apprête à saboter un vaste plan de spéculation immobilière dont risque d’être victime l’exploitation de Marcel et Marguerite. Il va y parvenir grâce à l’aide de Madeleine (Myriam Mézières), infiltrée chez l’ennemi et qui lui transmet les informations nécessaires pour faire capoter la combine. De simple alliée, Madeleine devient l’amante de Max, essayant de le convertir à sa vision très particulière de la vie et de l’amour, à base de tantrisme et de méditation. « Dieu est ici, lui explique-t-elle, dans l’explosion silencieuse qui ouvre un lotus au sommet de votre crâne lorsque vous faites l’amour debout, que vous retenez la semence et la laissez remonter, transcendée, le long de votre épine dorsale. » Et lui de répondre, d’une façon plus terre-à-terre : « Vulgairement, on appelle ça le foutre qui monte à la courge. »

Il y a, pour finir, Marco (Jacques Denis), professeur d’histoire atypique tenant des théories étranges et métaphoriques sur le temps qu’il illustre en classe par un boudin qu’il découpe en segments. Il s’amourache de Marie (Miou-Miou), « une caissière de supermarché qui travaille en Suisse et qui dort en France » (comme il l’explique à ses étudiants), c’est-à-dire une frontalière venant d’Annecy, qui finira incarcérée, son patron ayant découvert qu’elle ne faisait pas payer certains produits aux plus pauvres et aux personnes âgées. Parmi ces dernières, il y a Charles (Raymond Bussières), le cheminot à la retraite chez qui elle va prendre le thé après le travail et qu’elle aide à reconstituer, dans une sorte de jeu théâtral, des scènes de sa jeunesse. Et puis à la fin il y a – il y aura – Jonas, le fils qu’attend Mathilde, et dont tous s’émerveillent en songeant qu’il aura vingt-cinq ans en l’an 2000…

Dès lors, les interactions se multiplient : Marco invite Mathieu à venir donner un cours à ses élèves sur la récession mais il est viré de son poste d’enseignant (au même moment où Marie est aussi licenciée et arrêtée par la police) et se reconvertit dans l’animation en maison de retraite tandis que Mathieu, qui se pique de pédagogie progressiste, prend l’initiative de ne plus emmener à l’école les enfants de Marcel et Marguerite mais leur fait la classe dans une serre du jardin qu’il a emménagé à cet effet, au grand dam des parents. La confrontation la plus riche reste toutefois celle entre Max et Madeleine, entre le marxiste et la bobo adepte du zen et du nudisme. Dans un bar de la cité de Calvin, elle regarde autour d’elle et lui demande : « Vous ne trouvez pas que Genève est une ville qui se retient ? » Elle le trouve aliéné par son éducation protestante, il lui répond : « Vous êtes un peu hystéro mais je vous aime bien. »

Le film est fréquemment interrompu par des plans de coupe en noir-et-blanc, fixes ou mobiles, représentant divers éléments en rapport indirect avec le récit : la statue de Rousseau sur son îlot genevois sur le Rhône (référence à L’Emile et au désir de Mathieu d’éduquer les enfants hors du système), une peinture érotique indienne (clin d’œil à la relation de Max et de Madeleine), un défilé militaire à Moscou (pour faire écho au pacifisme de Marco), une baleine (parce que Jonas), un employé de bureau mangeant sur le corps d’une femme nue, Marie chantant sur le siège arrière d’un taxi, une manifestation de rue, un cochon vivant qu’on installe sur le siège du promoteur immobilier, des images d’archives des émeutes genevoises de 1932… Autant de souvenirs, d’indices, de pistes pour ce changement vague et indéfini qu’évoquent à divers moments du film les huit personnages. Et Max (Bideau dans un de ses grands rôles !) de conclure placidement : « Tout le monde cherche un échappatoire : le corps, la nature, le sexe, les oignons, la fleur de lotus. »

 

Voir la bande annonce

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Commentaires
D
J'aurais parié un gros billet que le titre du film était Jonas qui aura 20 ans en l'an 2000 ???<br /> <br /> Merci pour la réponse
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