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Perlicules
20 octobre 2012

Sweet Movie : Déjections et vomissures (avec beaucoup de sucre)

Réalisateur : Dusan Makavejev

Pays : Canada-France-Allemagne

Année : 1974

Sweet Movie

Voilà assurément un film à ne pas soumettre à toutes les pupilles ! Mise en scène de tous les excès, franchissement de tous les tabous, il parvient pourtant (à quelques exceptions près) à éviter la tentation de la facilité et de la provocation gratuite pour préférer l’approche plus légère et surtout plus intéressante de l’exercice de style. Critique de la déchéance du communisme et des abus du capitalisme, Sweet Movie est paradoxalement très peu politique, préférant jouer avec les symboles, les clés de son interprétation se trouvant (paraît-il) chez le psychiatre Whilelm Reich, maître à penser de Makavejev. Ce dernier, d’origine serbe, présente ici un film vraiment international puisqu’il est produit conjointement par le Canada, la France et la RFA et qu’on y parle successivement anglais, polonais, français, italien et russe.

Le film développe conjointement deux histoires. Dans la première, Miss Canada (interprétée par Carole Laure), est sélectionnée comme Miss Monde par un gynécologue qui n’examine des candidates que la beauté de leur hymen (et celui de Carole Laure est littéralement lumineux !), elle obtient comme récompense d’épouser un milliardaire mégalomane à la tête d’un empire industriel laitier rêvant de privatiser les chutes du Niagara. Mais ce grand capitaliste a des mœurs étranges : il pousse l’hygiénisme jusqu’à nettoyer lui-même entièrement sa femme avant l’amour, est affublé d’un pénis en or et pratique l’urophilie… Raisons qui pousseront Miss Monde à fuir dans une valise jusqu’à Paris où elle connaîtra diverses aventures, comme d’être allaitée par une gitane, de prendre un bain de chocolat fondu ou de se retrouver bloquée sur le plan de travail des cuisines d’un grand restaurant après une partie de jambes en l’air avec un chanteur de charme italien (joué par Samy Frey) qui est resté coincé dans ses fondements…

En parallèle de ce récit s’en tisse un autre, non moins fantasque, celui d’Anna Planeta (interprétée par la Polonaise Anna Prucnal, qui se verra interdite de séjour dans son propre pays durant quinze ans suite à ce film !), qui circule sur la Seine à bord d’un bateau arborant à sa proue une immense effigie du visage de Karl Marx et dont la cale contient des kilos et des kilos de friandises et un lit rempli de sucre, lui-même placé sous un tableau représentant l’enterrement de Lénine... Ce chargement lui sert à appâter les bambins dont elle est sexuellement friande. La scène dans laquelle elle s’exhibe devant des enfants avant de les attirer dans ses filets a quelque chose, surtout avec le regard contemporain, d’extrêmement dérangeant et serait absolument impensable s’il fallait songer à la tourner aujourd’hui ! Mais Anna Planeta sait aussi apprécier des plaisirs plus adultes, elle se lie avec Luv Bakunin, un marin français portant une casquette du cuirassé Potemkine qu’elle surprend un jour en train de pisser dans le fleuve et qu’elle qualifie d’« authentic sexual proletarian ».

Ajoutez à tout cela une scène presque insoutenable d’orgie alimentaire avec embrassades homosexuelles sur fonds de vomissures (La Grande Bouffe de Ferreri passe en comparaison pour un film de Disney !), un interlude montrant des images d’archives du charnier laissé par les troupes soviétiques à Katyn, ou un concours de déjections pendant que tonne l’Ode à la Joie de Beethoven et vous comprendrez que Makavejev ne se refuse aucune outrance. Scatophilie, pédérastie, ondinisme, tout y passe ! Mais sur l’ensemble, si certaines scènes peuvent en effet choquer, par leur excès ou par leur nature, ce film laisse malgré tout l’impression qu’on est souvent plus proche de l’expérimentation esthétique que de l’obscénité revendicative, ce qui change pour beaucoup l’appréciation qu’on peut y porter. Un bon film à mon sens, décoiffant certes, mais méritant d’être vu, à classer dans sa cinémathèque entre Salo ou les 120 Journée de Sodome de Pasolini et J’Irai comme un Cheval Fou d’Arrabal.

 

Extrait

 

 

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