Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Perlicules
7 juillet 2012

Punishment Park : la Guerre froide à 42°C à l’ombre

Réalisateur : Peter Watkins

Pays : USA

Année : 1971

Punishment Park

A l’instar de Cannibal Holocauste, les premiers films ayant exploré la veine du found footage dans les années 1970 n’ont pas la radicalité de ceux qui les ont suivis à partir des années 1990 et notamment de la sortie de Blair Witch Project. Des concessions sont encore faites au cinéma classique : on y trouve encore un montage apparent (alors que le vrai found footage nous fait croire à l’absence de montage, à la présentation brute de rushs non retouchés), des sons postsynchronisés sont ajoutés çà et là (notamment des extraits de journaux radio informant des avancées des troupes américaines au Vietnam) et l’ensemble sent encore un peu trop le produit fini. Mais si cette radicalité technique est encore timide, celle du propos ne manque pas et nous avons là un film brutal et particulièrement anxiogène.

La trame rappelle un peu celle du Convoi de la Peur (William Friedkin, USA, 1977) ou de Battle Royale (Kinji Fukasaku, Japon, 2000) ou encore le roman Marche ou Crève de Stephen King. Des prisonniers, tous condamnés pour raisons politiques (des militants communistes, des déserteurs, des syndicalistes, des écrivains et chanteurs subversifs) ont la possibilité de retrouver la liberté si, au cœur du désert, ils parviennent en deux jours à atteindre un drapeau américain planté à plus de 80 kilomètres de là, et tout ça sans se faire rattraper par des soldats lancés à leurs trousses. La mission est quasiment impossible d’autant que le jeu est un peu truqué, que la chaleur dans le désert est torride et que les prisonniers n’ont même pas le droit d’emporter de l’eau. L’existence du film est expliquée par la présence de journalistes européens dans le désert munis de caméras, dont certains suivent les prisonniers dans leur périple et d’autres les soldats à leurs trousses. Très discrets durant tout le film (ils interviennent très peu, se contentant la plupart du temps de montrer), ils prennent davantage d’importance dans les dernières minutes, révoltés face à certaines exactions commises par l’armée. Leur histoire est constamment interrompue par des procès qui ont lieu au même moment et dans lesquels divers autres prisonniers sont condamnés pour des motifs semblables à la même peine. C’est ce constant va-et-vient entre les deux trames (la marche dans le désert et les procès) qui transgresse le plus les règles du found footage, cette alternance révélant l’existence d’un montage des bandes : si le genre avait été respecté, les deux parties auraient été montrées à la suite mais sans s’entremêler – ce qui aurait bien sûr rendu le film beaucoup moins intéressant. En effet, outre le fait d’amener un peu de respiration dans un récit passablement angoissant, ces scènes de procès, au fur et à mesure de l’avancée du récit parallèle, font prendre conscience au spectateur que les personnages de la seconde trame finiront, même s’ils ne le savent pas encore, comme ceux de la première.

Le principal défaut du film est qu’à force de bonnes intentions et de saine indignation, le trait est un peu forcé et la force du message perd un peu en crédibilité, non pas à cause de l’idée défendue mais du caractère des personnages. En effet, les héros du film, les prisonniers politiques, semblent tous avoir une vocation de martyr dès le début : à aucun moment du procès ils n’essaient de négocier ou de sauver leur peau, ils sont dans le refus et la provocation permanente quand bien même ils savent ce qu’ils risquent, et leur attitude est la même durant la marche dans le désert. Quant aux “méchants”, les militaires mais plus encore les jurés, ils jouent la caricature de l’Amérique républicaine conservatrice et la poussent un peu trop loin qu’il ne le faudrait. Il s’agit bien sûr d’un film engagé, voire militant, mais l’horreur légitime éprouvée par tout spectateur devant le déploiement d’un dispositif pénal qui touche au totalitaire est malheureusement gâchée par un moralisme excessif. Pourtant la situation de base – la lutte intérieure menée par le gouvernement américain contre l’antimilitarisme et des mouvements susceptibles de faire le jeu de l’ennemi communiste – n’a rien d’aberrante, elle fait même beaucoup aux Etats-Unis que nous connaissons, ceux d’après le 11 Septembre et le Patriot Act.

Un des atouts du film est sa bande-son. Elle ne renonce pas (comme le voudrait le found footage) à recourir à de la musique préenregistrée mais la limite au minimum, notamment à quelques percussions et à quelques bruitages. Le reste est constitué de vrombissement d’avions et d’hélicoptères qui décollent et atterrissent (ce qui permet de poser une atmosphère mais également d’évoquer par métonymie cette guerre de Vietnam qui se tient au même moment) et de détonations qui se confondent parfois avec le martèlement sec du marteau asséné par le procureur au cours des audiences. Entre symbole et ambiance, l’habillage sonore est assurément un des atouts de Punishment Park.

 

La phrase du film

Un juré s’adressant à un militant noir des droits civiques jugé pour subversion de l’ordre public : « De quoi vous plaignez-vous ? La preuve qu’il n’y a plus de problème avec la communauté noire, c’est que les noirs américains sont proportionnellement plus nombreux à posséder une télévision que les Russes… »

 

Voir la bande-annonce

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité